Actualité juridique

aggravation victime consolidée

L’action en aggravation est possible même si le préjudice initial n’a pas été indemnisé

L’aggravation est le cas où la victime consolidée (moment où les lésions se fixent) connait une détérioration de son état de santé, soit qu’elle connait une majoration d’un préjudice déjà existant, soit qu’elle connait un nouveau préjudice.

Souvent cette situation se produit des années après l’accident voire après la consolidation.

La victime peut-elle être indemnisée d’une aggravation même si elle n’a rien perçu au titre du préjudice initial ?

La réponse de la Cour de Cassation, le 3 avril 2025, est positive dès lors que la responsabilité de l’auteur est reconnue et que le préjudice initial est déterminé. Il n’est pas nécessaire que celui-ci ait été indemnisé.

Prenons l’exemple de Monsieur B, piéton renversé par une moto en 1998, qui doit subir du fait de cet accident une pose de prothèse de hanche.

Son droit à indemnisation est reconnu, et son état de santé est consolidé en 2002. Une expertise est organisée par l’assureur du véhicule.

Toutefois, n’ayant pas été conseillé et étant pris par son quotidien, il n’a entrepris aucune démarche auprès de l’assurance si bien qu’en 2012, il ne peut plus agir.

En 2024, un changement de prothèse s’avère nécessaire avec des conséquences notablement plus graves au niveau de son emploi.

S’il est trop tard pour demander l’indemnisation des conséquences initiales, il peut toutefois obtenir une indemnisation pour les préjudices liés au remplacement de la prothèse.

Lien Judilibre 

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calcul préjudice professionnel

Rappel à l’ordre par le Conseil d’État sur l’évaluation du préjudice professionnel !

En termes de réparation de préjudice professionnel, tous ceux qui pratiquent les juridictions administratives le savent, les sommes allouées par les décisions de Justice sont rarement à la hauteur du préjudice réel subi par les victimes.

Mise à l’écart des pièces versées par la victime justifiant de ses revenus, mauvaise base de calcul des revenus, absence d’actualisation des revenus, mauvaise méthode de déduction des rentes, tout y passe pour minimiser le préjudice professionnel des victimes.

Aussi, les sanctions prononcées par le Conseil d’État sont plutôt les bienvenues pour rappeler aux Tribunaux et Cours d’Appel qu’ils doivent tenir compte des éléments concrets pour l’évaluation du préjudice professionnel subi par les victimes.

Dans un arrêt du 14 février 2025, le Conseil d’État a ainsi pu rappeler :

  • Les revenus d’un investissement antérieur étaient acquis et ne constituaient donc pas un revenu de remplacement. Ces revenus ne peuvent donc venir en déduction du préjudice professionnel : la victime avait perdu son emploi du fait de l’accident et les Juges avaient estimés qu’elle ne justifiait pas de perte de revenus.
  • Un taux de séquelles limité n’est pas de nature à faire obstacle ou limiter l’indemnisation de l’incidence professionnelle. Les juges doivent tenir compte des éléments concrets empêchant la reprise d’activité.

Légifrance

préjudice d’établissement

Préjudice d’établissement et perte de chance de fonder un nouveau foyer

Selon la nomenclature Dintilhac, le préjudice d’établissement consiste en la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap.

Ce poste ne se confond pas avec le préjudice sexuel, et il peut exister indépendamment de tout préjudice sexuel.

Le préjudice d’établissement ne se limite à la perte de chance de se marier, de fonder une famille et d’élever des enfants. Il comprend plus généralement le bouleversement que subit la victime dans ses projets de vie : renoncer à une grossesse, ne plus pouvoir faire de rencontre, ne plus pouvoir élever ses enfants…

Depuis une série d’arrêts du 15 janvier 2015, la Cour de Cassation ne limite pas le préjudice d’établissement à la victime qui n’aurait pas du tout pu fonder de famille. En effet, elle reconnait que ce préjudice recouvre aussi « en cas de séparation ou de dissolution d’une précédente union, la perte de chance pour la victime handicapée de réaliser un nouveau projet de vie familiale ».

C’est ce principe qu’elle a dû rappeler le 21 mars 2024 pour un père de famille dont les difficultés comportementales et psychiques avaient non seulement conduit au divorce mais compromettaient aussi tout chance de réaliser un nouveau projet de vie familiale.

Cass., Civ.2., 21 mars 2024, n°22-21.101

hospitalisation tierce personne

Indemnisation des besoins en tierce personne durant les périodes d’hospitalisation de la victime

L’Assistance tierce personne (ATP) permet l’indemnisation de la victime dès lors qu’une assistance est rendue nécessaire par son état de santé.

Cette aide peut être temporaire ou définitive et revêtir plusieurs aspects (surveillance, assistance à la personne pour l’habillage ou la toilette, aide ménagère, aide pour les déplacements…).

Cette assistance ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime. En effet, elle indemnise également sa perte d’autonomie la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne. Elle doit ainsi permettre à la victime de préserver sa sécurité et contribuer à la restaurer dans sa dignité.

Or, trop souvent, par principe, l’aide à la tierce personne se trouve écartée durant les périodes d’hospitalisation, la question n’étant même pas abordée en expertise.

La motivation de la Cour d’Appel censurée en l’espèce par la Cour de Cassation est éloquente à ce sujet puisqu’elle considère que « l’hospitalisation tend à suspendre les contraintes de la vie quotidienne et garantit au patient un niveau élevé de sécurité ».
La censure de la Cour de Cassation rappelle une réalité de la situation des victimes : leurs besoins ne cessent pas à l’entrée de l’hôpital.
En effet, la victime peut avoir besoin d’une aide y compris pendant les phases d’hospitalisation (entretien du domicile, aide à des services administratifs, accompagner les enfants à l’école, s’occuper des animaux de compagnie…).

La Cour de Cassation le 8 février 2023 rappelle donc que l’indemnisation au titre de la tierce personne ne peut être écartée par principe du fait de l’hospitalisation.

Photo Freepik

 

aide tierce personne préjudice

Fin de la suspension automatique des rentes tierce personne en cas d’hospitalisation de la victime ?

Selon le rapport DINTILHAC, le poste de préjudice de la tierce personne consiste à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour :

  • l’assister dans les actes de la vie quotidienne,
  • préserver sa sécurité,
  • contribuer à restaurer sa dignité
  • suppléer sa perte d’autonomie.

Quand le coût de la tierce personne est indemnisé par le versement d’une rente, l’assureur prévoit la suspension du paiement de la rente dès lors que la victime est hospitalisée.

Dans cette vision étriquée de la personne, l’hospitalisation couvrirait tous les besoins de la victime.

Néanmoins, il faut rappeler que ce poste de préjudice ne couvre pas uniquement les besoins vitaux (manger, se laver, s’habiller…) mais doit aussi permettre à la victime de vivre dans la dignité et de suppléer à son autonomie.

Même hospitalisée, la victime devra a minima régler ses factures ou entretenir son domicile…

La Cour de Cassation le 4 septembre 2024 a ainsi jugé que les périodes d’hospitalisation ou d’admission en milieu médical n’écartent pas par principe l’indemnisation due au titre de l’assistance par tierce personne.

Il est impératif de prendre en compte les besoins de la victime et de privilégier une évaluation individualisée du préjudice subi par la victime.

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indemnisation accident médical

Premiers pas en faveur d’une simplification de l’indemnisation des accidents médicaux ?

Ce n’est pas toujours simple pour une victime d’accident médical d’y voir clair dans le régime d’indemnisation.

Se pose notamment la question du Tribunal compétent. En effet, en fonction de la nature de l’établissement de santé, la victime peut se voir indemniser par le Tribunal Judiciaire (responsabilité d’une clinique ou d’un médecin exerçant en libéral) ou par le Tribunal Administratif (responsabilité d’un hôpital).

La question devient plus complexe quand le patient a été pris en charge dans plusieurs établissements de santé tantôt privé tantôt public et/ ou par des médecins en libéral.

Devant quelle juridiction la victime doit-elle porter sa demande d’indemnisation en cas de responsabilité de plusieurs professionnels de santé ?

La jurisprudence actuelle pourrait tendre vers une simplification initiée en 2023 par le Conseil d’Etat :  la victime a la possibilité de demander, devant le Juge Administratif, la condamnation de la personne publique à l’indemnisation de tout le dommage y compris en cas de responsabilité avec un co-auteur personne privée, à charge pour la partie condamnée d’exercer une action récursoire.

Lien Légifrance CE 20 janvier 2023

La Cour de Cassation, le 4 septembre 2024, sans se prononcer sur une éventuelle unicité de juridiction juge que « les préjudices (…) devaient être réparés à hauteur de la perte de chance de 75 % (…) constatée, abstraction faite de la part contributive respective des médecins et déduction faite des sommes versées par le centre hospitalier »

Lien Légifrance 4 septembre 2024

Enfin le Tribunal des Conflits saisi de cette question alors que l’ONIAM avait fait une offre d’indemnisation a statué qu’il était « loisible à la victime de rechercher la réparation de son entier dommage soit devant le juge administratif, soit devant le juge judiciaire. Le juge saisi statue alors sur l’entier dommage. »

Lien Tribunal des Conflits 2 décembre 2024

incidence professionnelle

Indemnisation d’une incidence professionnelle temporaire ?

Selon la nomenclature Dintilhac, l’incidence professionnelle a pour objectif d’indemniser :

Les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, tel que le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle.

Les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste,

La perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap.

Plus clairement, il s’agit d’indemniser le préjudice professionnel hors pertes de revenus stricto sensu. Ce préjudice intervient après consolidation de l’état de santé de la victime.

Néanmoins, la Cour de cassation reconnait dans son arrêt du 25 avril 2024 que la victime peut subir une incidence professionnelle TEMPORAIRE c’est-à-dire avant la consolidation de son état de santé (en l’occurrence, elle n’avait jamais été consolidée).

La Cour crée-t-elle un nouveau poste de préjudice ? Rappelons que la nomenclature Dintilhac n’est pas figée…

Pas tout à fait puisqu’elle décide que cette incidence professionnelle temporaire doit être indemnisée au titre de la perte de gains actuels en plus de la perte de revenus appréciée stricto sensu.

A suivre….

Lien Légifrance

Accident de la circulation et offre d’indemnisation : petite(s) piqure(s) de rappel sur les obligations de l’assureur

Le législateur de 1985 a entendu protéger les victimes d’accident de la circulation de la résistance que pourraient opposer les assureurs à les indemniser ou à verser des provisions dans un délai raisonnable.

En résumé, l’article L211-9 du Code des Assurances prévoit que l’assureur doit présenter une offre d’indemnité dans les huit mois de l’accident ; l’offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice. L’offre a un caractère provisionnel si la victime n’est pas consolidée. En cas de non-respect l’assureur s’expose aux sanctions de l’article L211-13.

Il semble toutefois nécessaire de temps en temps de faire un rappel à l’ordre et/ou d’apporter des précisions.

C’est ce qu’a fait la Cour de Cassation par une série d’arrêt du 12 octobre 2023 :

  • Elle rappelle tout d’abord qu’une offre provisionnelle ne se confond pas avec une quittance de paiement d’une provision. Cette offre doit ainsi comprendre tous les éléments et non se contenter de mentionner une somme sans plus de détails.
  • Les juridictions doivent aussi vérifier que l’offre est complète et suffisante et répondre précisément à la victime qui affirme le contraire.

Eu égard à la longueur des procédures, les pénalités prononcées à l’encontre des assureurs peuvent leur couter cher. Pour autant, elles n’ont pas toujours l’effet dissuasif attendu si on en croit les sanctions encore prononcées par les juridictions…

Lien arrêt 1

Lien arrêt 2

Lien arrêt 3

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